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Nucléaire et taxonomie verte

La Commission européenne a publié le 31 décembre 2021 son projet de texte en vue d’inclure le nucléaire et le gaz dans la taxonomie verte européenne.

Adopté en juin 2020, le règlement* européen sur la « taxonomie verte », ou taxonomie européenne sur les investissements durables, constitue une classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement et le climat. L’objectif de cette taxonomie est d’orienter les investissements privés vers des activités qui contribuent à la neutralité climatique d’ici 2050, objectif fixé par le Pacte vert européen adopté en 2019.

* Un règlement est un texte législatif européen dont tous les éléments sont juridiquement contraignants et directement applicables dans le droit national.  

L’UE est en effet en train de se doter d’un arsenal législatif en vue d’atteindre cet objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. Ainsi, depuis juillet 2021, l’UE s’est fixée pour objectif de réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. La « taxonomie verte » contribue également à cette dynamique en permettant aux investisseurs de savoir si leurs placements sont bien en ligne avec les objectifs climatiques européens. Selon cette taxonomie (qui exclue d’office les combustibles fossiles), un placement est considéré comme durable s’il relève d’au moins un des 6 objectifs suivants :

  • Atténuation du changement climatique ;
  • Adaptation aux effets du changement climatique ;
  • Utilisation durable et protection de l’eau et des ressources marines ;
  • Transition vers une économie circulaire ;
  • Prévention et contrôle de la pollution ;
  • Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Ce placement est par ailleurs tenu de respecter des critères techniques (normes d’émissions de Co2 par exemples) établis dans des actes délégués*. Pour que les investisseurs aient accès à cette information, les entreprises seront obligées dès la fin de l’année 2022 de publier le bilan carbone de leurs activités.

*Un acte délégué est un texte qui complète ou modifie certains éléments non essentiels d’un acte législatif européen. Proposé et adopté par la Commission sur la base d’une consultation de groupes d’experts composés de représentants des Etats membres, un acte délégué est considéré comme validé s’il n’est pas rejeté par une majorité des membres du Conseil et du Parlement européen.

Le 31 décembre 2022, la Commission a publié sa proposition d’acte délégué relatif à l’intégration des secteurs du nucléaire et du gaz dans la taxonomie verte européenne. Ces deux sources d’énergie y sont incluses à titre transitoire. Ainsi, cette proposition prévoit que les investissements dans des projets de nouvelles centrales nucléaires pourront être considérés comme « durables » jusqu’en 2045, contre 2040 pour les investissements dans des projets d’extension de la durée de vie des centrales existantes. Ces projets devront cependant présenter des garanties en matière de traitement des déchets nucléaires et de démantèlement des installations. A noter que les projets de recherche et d’innovation (comme la production d’hydrogène bas-carbone à partir d’électricité nucléaire par exemple) ne sont pas concernés par les obligations de reporting de la taxonomie verte. Pour le gaz, un investissement dans une centrale ayant obtenu son permis de construire avant 2030 sera considéré comme « durable » si cette centrale émet moins de 270g de Co2/kWh (contre 350 g de Co2/kWh pour les centrales les plus performantes aujourd’hui – performance qui pourrait être améliorée avec l’usage de technologies de stockage du carbone).

Cette proposition d’acte délégué a été soumise pour consultation au groupe d’experts des Etats membres sur la finance durable et à la Plateforme européenne sur la finance durable, un groupe de parties prenantes chargé de conseiller la Commission européenne sur ce sujet. Suite à cette phase de consultation qui se clôturera le 21 janvier 2022, la Commission adoptera formellement l’acte délégué, qui sera ensuite transmis au Conseil et au Parlement européen pour examen. Les colégislateurs auront alors 4 mois (prorogeable de 2 mois) pour éventuellement s’opposer à ce texte. Si aucune objection n’est exprimée au cours de cette période, l’acte délégué entrera en vigueur et sera d’application immédiate.

Cette proposition d’inclure le nucléaire et le gaz dans la taxonomie verte européenne, même à titre transitoire, ne fait pas l’unanimité. Côté Parlement européen, seul le groupe des Verts s’oppose à l’inclusion de ces deux sources d’énergie. Côté Conseil, plusieurs Etats membres comme l’Espagne, le Luxembourg ou l’Autriche se sont publiquement exprimés pour rejeter cette proposition mais ils ne sont pas suffisamment nombreux pour bloquer l’adoption de ce texte (pour cela il faudrait que l’opposition soit portée par au moins 20 Etats membres, représentant au moins 65% de la population de l’UE). L’Autriche envisage donc de saisir la Cours de justice de l’UE une fois le texte adopté, option également envisagée par l’ONG ClientEarth qui considère que l’inclusion du gaz dans la taxonomie entrerait en conflit avec d’autres textes européens et l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. D’autres ONG comme le WWF ou Greenpeace considèrent que l’inclusion du nucléaire et du gaz minent la crédibilité des investissements labellisés par la taxonomie et constituent un permis de « greenwasher ».

Pour en savoir plus

Communiqué de presse de la Commission européenne au 1er janvier 2022

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